Atelier de création et restauration de vitraux fondé en 1791 - Particuliers et édifices religieux. Restaurations et créations. De nombreuses références des Monuments Historiques.
On aura par contre du mal à se faire une idée des détails de l'oeuvre, située à quelques mètres de hauteur. Et c'est bien dommage, car le verrier Antoine Le Bihan a passé un temps fou à les soigner pour les restituer dans leur jus.
« Il me faudrait beaucoup moins de temps pour refaire cette pièce qui a été brisée en 19 morceaux en fil du temps », expliquait-il la semaine dernière en présentant un morceau du manteau du Christ. Il provient d'une verrière de La Martyre, identique à celle de Quimper, qu'il restaure actuellement. « Mais c'est une question d'éthique. Il faut restaurer même si on n'en verra pas grand-chose une fois la verrière remise en place. »
Le kit du parfait dentiste
C'est d'autant plus difficile que, réparation après réparation, les morceaux de verre ont été rognés pour laisser la place au plomb : « Il faut trouver un moyen pour combler ces parties manquantes, confie Antoine Le Bihan. J'ai tout le kit du parfait dentiste : je mets de la pâte dentaire pour faire des barrages et je coule un époxy qui a la même densité que le verre. Il faut ensuite utiliser une peinture à base de mastic pour refaire l'unité. »
Son métier est ainsi : à base de trucs et d'expérience accumulée depuis des décennies sinon des siècles. Antoine Le Bihan n'a que 47 ans mais il a pris le relais de son père Jean-Pierre, avec qui il a travaillé depuis 1985. Leur atelier du Capi-Horn avait été mis en place après la Seconde Guerre mondiale par le grand-père, Yves Le Bihan.
Il prenait lui-même la suite de sa belle-mère, Anna Saluden, fille de verrier, qui avait ouvert un atelier de vitraux à Brest vers 1908. On remonte ainsi dans la famille jusqu'à la Révolution française qui donna beaucoup de travail à la profession en s'en prenant aux blasons sur les vitraux.
Etant jeune, Antoine Le Bihan s'imaginait plutôt architecte. Mais il s'est pris au jeu à force de donner des coups de main : « Pour parler de passion, il faut un sens. Le sens ici, c'est la compréhension du matériau, retrouver la technique de fabrication, la façon de faire... »
Le verrier se fait volontiers détective pour débusquer les astuces des Le Sodec, une autre famille de verriers, elle aussi quimpéroise, qui a oeuvré tout au long du XVIe siècle. Elle détenait même le monopole des vitraux en Cornouaille et rayonnait bien au-delà.
L'Odet en arrière-plan
La verrière Le Sodec de La Martyre est la troisième que restaurent les Le Bihan : un autre vitrail semblable, de l'église de Tourc'h, est passé par leurs mains il y a une dizaine d'années. Il y a en a eu six au total, dont un disparu à Penmarc'h.
À chaque fois, c'est l'émerveillement : « Comment faisaient-ils pour arriver aux mêmes résultats à 15 ans de distance alors que le papier était onéreux et s'abîmait ? » Et le verrier s'amuse à superposer des morceaux du vitrail de La Martyre sur les relevés grandeur nature qu'il a faits du vitrail de Quimper : « Cela correspond parfaitement pour plein d'éléments, mais il en a adapté d'autres et ajouté des éléments locaux. Dans la verrière de Quimper, il a dessiné l'Odet. Dans celle de La Martyre, on voit les monts d'Arrée. »
Les Le Sodec, père, fils et peut-être frère ont marqué tout le XVIe siècle. Leurs trois signatures sont rassemblées sur un vitrail de l'église de Kerfeunteun. De leur côté, les Le Bihan n'ont pas fini de marquer les églises de leur empreinte. Antoine Le Bihan s'est même lancé dans un appel d'offres pour la cathédrale de Chartres.
Even VALLERIE.
Ì En savoir plus. Le processus de restauration est détaillé sur le blog de l'entreprise Le Bihan : http://lebihanvitraux.over-blog.fr/article-19178513.html