Le Télégramme revient également, sous la plume d'Éliane Faucon-Dumont, sur cette information dans son édition du 9 septembre 2009 :
Le Bihan - Crépuscule sur les vitraux Vendredi soir, la SARL JP Le Bihan, fermera ses portes. Pour les maîtres-verriers, héritiers d'un savoir-faire séculaire, c'est la fin d'une histoire commencée dans le Léon en 1791.
Antoine Le Bihan, gérant de «la plus ancienne entreprise de création de restauration de vitraux en Bretagne», jette à regret l'éponge. «Pour exercer l'activité de maître-verrier, il faut actuellement disposer d'une grande fortune, avance-t-il. Pour le moment, ce qui compte c'est de sauver nos archives». L'artiste et sa sœur, Claire, rassemblent les documents qui racontent l'histoire de cette entreprise, fondée en 1791 par leur ancêtre Pierre Saluden, à Saint-Pol de Léon. En 1808, le fils de celui-ci ouvre son atelier à Landerneau. Auguste, son petit-fils et AnnaSaluden, son épouse, perpétuent la tradition à Brest dès 1908. En 1947, Yves Le Bihan, gendre d'Anna, s'installe à Quimper. Jean-Pierre, son fils, lui succède en 1963. Antoine, plasticien et également maître-verrier, arrive dans l'entreprise en 1985. Titulaire d'un diplôme supérieur d'expression plastique, il ajoutera son savoir-faire à celui de ses prédécesseurs.
Des restaurations
L'atelier, situé à deux pas du halage, est plein de cartons, de morceaux de vitraux, de photos, de noms, de souvenirs. «Avec nos cinq salariés, nous avons réalisé de nombreuses restaurations, sauvés des vitraux de valeur inestimables, créé de nouveaux modèles. Ma première restauration, raconte Antoine Le Bihan, remonte à 1984. Benjamin Mouton, alors architecte des Bâtiments de France, m'a demandé de refaire le vitrail dit de "La Passion", à l'église de Guengat. J'achève mon travail de maître-verrier à La Martyre, dans le nord Finistère. Mon plus beau souvenir est lié à la restauration des vitraux de la cathédrale de Quimper et en particulier, du vitrail de "La Crucifixion". L'original se trouvait à Castelnau-Bretenoux, dans le Lot. Réalisé au XVe siècle, ce vitrail a été déplacé, revendu à un antiquaire, appartenu à un chanteur connu qui en a fait don à l'État. Je l'ai restauré à l'identique. C'est l'une de mes fiertés». Des fiertés, Antoine Le Bihan en a d'autres. Il faut l'entendre raconter comment, sans rien déplacer, enfermé dans un édifice, il a patiemment redonné sa jeunesse à une pièce unique, comment un visage ancien est sorti de l'ombre grâce à un travail minutieux. L'entreprise fermée, c'est tout un savoir-faire qui disparaît. Pourtant, insiste le maître-verrier, il reste bien des restaurations à faire en Bretagne et ailleurs. Des chefs-d'œuvre vont disparaître, faute de crédits et de volonté politique...
À la télé
L'an prochain, l'émission «Des Racines et des Ailes» reviendra sur l'histoire et les travaux de la famille Saluden-Le Bihan. Les réalisateurs ont passé, au printemps dernier, de longues heures dans l'entreprise. Ce sera le dernier souvenir, la dernière page d'une grande histoire.
Le Bihan vitraux : quand le patrimoine disparaît... - Quimper
lundi 21 septembre 2009
Le patrimoine, c'est aussi un savoir-faire ancestral qui se transmet de père en fils, comme celui de maître verrier par exemple...
Ce savoir-faire, la famille Le Bihan-Saluden l'exerçait depuis 1791. D'abord à Saint-Pol-de-Léon. Après quelques déplacements géographiques, l'atelier s'installe en 1947 dans le quartier de Sainte-Bernadette à Quimper. On ne compte plus, depuis, le nombre de vitraux sauvés du désastre par l'habileté de ces artisans. Antoine a succédé à son père Jean-Pierre en l'an 2000, il l'accompagnait depuis 1985, à sa sortie de l'école des Beaux-Arts.
La rage au coeur
Ce ne sont pas les chantiers qui ont manqué, des prestigieux comme celui de la cathédrale de Quimper, la basilique de Saint-Pol-de-Léon, Nantes, Vannes, Rennes, Laval et... La Martyre. Mais l'atelier a aussi réalisé des vitraux à partir de cartons d'artistes contemporains comme Dilasser, Federenko... Il y a eu jusqu'à neuf compagnons pour oeuvre auprès de Jean-Paul puis d'Antoine.
Sur la grande baie vitrée qui donne sur la rue Michel-Marion, Antoine, la rage au coeur a affiché une centaine d'attestations de travaux, toutes aussi dithyrambiques les unes que les autres et signées par des architectes des Bâtiments de France. L'excellence du travail, le respect des temps impartis, tout y est. Mais au fil des ans, les restaurations se sont faites plus rares, les financements de la Drac en particulier n'ont pas suivi. Les matériaux ont augmenté de façon inouïe, « Jusqu'à 100 % pour le plomb cette année. » Et le plomb, c'est indispensable pour joindre les vitraux. « Et puis, dans les appels d'offres, c'est le moins disant qui l'emporte ».
Trop tard
L'atelier qui, depuis quelques années avaient de plus en plus de mal à boucler son bilan, c'est retrouvé en cessation d'activité le 11 septembre. « La SARL est liquidée, plus d'électricité, plus d'eau, plus de téléphone ». Il y a quelques semaines, l'émission « Des racines et des ailes » effectuait un reportage à l'atelier. On le verra cet hiver sans doute. Mais l'atelier, lui, sera fermé. « Le plus dérisoire, c'est que je viens d'avoir une proposition pour une verrière de la Sainte-Chapelle à Paris ! ». Trop tard. Antoine proposait, pour les Journées du patrimoine, que le public vienne voir ces attestations et quelques photos et documents affichés sur les vitrines de l'atelier. Et qu'il en débatte librement. L'artiste, lui, n'était pas là. Il n'a plus le coeur à en parler. Voir le site lebihan-vitraux.
Autres
Bonjour,
J'apprends avec tristesse les problèmes de votre entreprise. Quimpérois de naissance, j'ai eu Jean-Pierre comme prof d'arts plastiques à Saint-Yves en 1961 ou 62-63.. peut-être avant, et je me souviens bien de ses cours et des dessins faits à ce moment-là, et qui m'ont donné l'envie de peindre et surtout le goût de la peinture.
J'ai vu à la galerie Saluden, où il y avait (sans doute) votre mère et peut-être votre père parfois, -avant de connaître d'autres galeries et musées-, à l'étage où régnait le recueillement et l'odeur des couleurs, << mes>> premiers peintres, Gurbert, Carzuzan, Morvan, Quéré, Péron, Le Merdy, Mingam, Kervella, Pierre Gilles peut-être et sûrement d'autres que j'oublie en ce moment. J''y achetais quelques feuilles de Canson et des couleurs. Ensuite j'ai fréquenté la galerie de Brest.
Tout ça pour dire que je suis peiné vraiment de ce qui se passe. Je me suis toujours dit que si j'avais un jour un vitrail à faire réaliser, je m'adresserai à vous. Et lors de mes visites de chapelles et d'églises, pas seulement pour voir des Bazaine ou Quére, je tente toujours de voir si le vitrail vient de vos ateliers.
Ce serait bien que votre site internet soit préservé pour qu'on n'oublie pas votre savoir et votre compétence.
J'adresse un salut cordial à mon vieux professeur de dessin de quatrième ou de troisième, dont quelques coups de crayon me reviennent en ce moment en mémoire. Il était alors encore jeune, souriant et très patient avec nous, -c'était il y a presque 50 ans-, et à son fils Antoine.
J'espère que votre aventure créatrice et artisanale se perpétuera au moins sous une autre forme. Amicalement.
MK
Bonsoir,
Nous pensons bien à vous et vos enfants en ces moments difficiles.
La saga des verriers Saluden et Le Bihan-Saluden a certainement vécu d'autres moments pénibles depuis la Révolution de 1789, et elle peut renaître de ses cendres plus tard. Il faut rester optimiste car vous avez de nombreux descendants.
On vous embrasse
Philippe et Mio
C'est une bien triste nouvelle pour l'atelier et surtout le personnel.
J'espère que tous ces savoirs faire pourront continuer (sous une autre
forme...).
Bien à vous
très cordialement
Dominique C.
Je ne trouve pas les mots forts pour écrire ma douleur, comme je ne trouve pas ces mots suffisamment cinglants pour exprimer ma colère.
Il y a 22 ans, cette entreprise familiale m'a ouvert les portes pour me transmettre leur savoir avec respect et amour pour ce métier "Vitrailliste", pour m'avoir laissé vivre cette aventure de mes propres ailes depuis 15 ans.
Aujourd'hui, ce n'est pas un concurrent qui ferme les portes, mais un ami.
Je dirais même un père, frères, soeurs......
Toutes une famille, toutes les générations issus de ce passé dans l'histoire du Vitrail qui s'éteint.
Justement, le "PATRIMOINE VIVANT" comment peut on en accepter la fin ?
Aujourd'hui, c'est l'entreprise "LE BIHAN". Demain, peut-être moi, mais combien ici et là dans l'hexagone ?
Ce qui est certainement le cas.
Fermetures causées par un cumule de problèmes, mais je dénonce surtout une hypocrisie.
L'inflation des matières 1ère.
Le jeu du pouvoir et de l'argent des grands groupes. Celui qui mangera l'autre pour être plus fort, être côté en bourse, avoir le monopôle.